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mercredi 12 janvier 2011

Belgique: le temps passe, rien ne bouge

La Belgique progresse. Elle possède désormais le record européen de la plus longue crise politique. Enfoncés, les Pays-Bas qui le détenaient depuis 1977 avec 208 jours sans gouvernement. Désormais, c'est la meilleure performance mondiale qui est en vue pour les Belges : s'ils n'ont pas de gouvernement le 30 mars, ils battront un récent record... irakien, établi à 289 jours.
A voir comment se déroulent les choses à Bruxelles, on peut raisonnablement penser que l'objectif sera atteint. Car, c'est certain le tic-tac tic-tac de l'horloge belge n'est pas près de s'arrêter.
Son mécanisme est-il celui d'une bombe à retardement ou d'un tranquille carillon de beffroi rythmant la longue attente d'une population partagée entre désintérêt, peur et colère rentrée ? Mystère, car au royaume d'Albert II, l'opinion et les observateurs se divisent en trois camps.
D'abord, les pessimistes résignés qui pensent que l'interminable crise s'achèvera par l'éclatement du pays. Ensuite, les pessimistes réalistes qui estiment que l'échafaudage institutionnel de l'Etat est d'une telle complexité qu'il rend en fait impossible la scission. Enfin, les pessimistes fatigués, qui attendent qu'un événement extérieur, par exemple une catastrophe naturelle ou une mobilisation antibelge des spéculateurs sur les marchés financiers, ramène enfin le monde politique à la raison. La première hypothèse ne peut évidemment être exclue, même si les inondations qu'a connues le pays ces jours-ci n'ont pas une ampleur suffisante pour chavirer les coeurs, mobiliser les foules et rassembler Flamands et Wallons dans un élan confraternel. D'autant que l'eau, qui semble elle aussi régionalisée, n'a d'ailleurs envahi que la partie francophone du royaume.
La deuxième hypothèse - les méchants marchés réduisant la pauvre Belgique à une Grèce du Nord - pourrait, elle, prendre corps depuis qu'une agence internationale de notation a donné quelques mois aux dirigeants belges pour se reprendre et former une coalition crédible, faute de quoi la note de leur Etat sera dégradée. Samedi 8 janvier, l'un des quotidiens les plus influents du royaume, De Standaard a résumé d'une façon assez parlante la situation : parée d'un titre peu ambigu, "Les vautours au-dessus de la Belgique", sa "une" montrait deux rapaces, les griffes plantées dans une branche morte en l'attente de leur proie. Les fameux "spéculateurs" avaient, enfin, un visage. Problème : la "crise de confiance fondamentale" décrite par l'économiste Geert Noels ne touche pas seulement quelques traders internationaux mais toutes les couches de la population belge elle-même.
Depuis le récent échec du "conciliateur" Johan Vande Lanotte, dont les propositions institutionnelles ont été rejetées par les deux principaux partis flamands, une sorte de mobilisation générale s'est organisée. Dirigeants d'entreprise, d'université, du secteur financier ou culturel, mais aussi des dirigeants politiques - y compris certains de ceux qui sont directement impliqués dans les interminables négociations ! - ont lancé des appels à la raison et au souvenir des compromis d'antan. Reprenant une formule de Guy Bedos en 1981, deux patrons, Yves Delacollette et Olivier Lefebvre, écrivaient même, dans Le Soir, "Si ça continue, je ne vote plus : je tire !" Affirmant s'exprimer en tant que "citoyens qui en ont marre", les deux patrons "exigeaient" des responsables politiques des démarches à la hauteur de l'enjeu du moment, à savoir "historiques".
Parmi des dizaines d'appels plus ou moins réalistes, peu ont toutefois osé évoquer le coeur de la crise belge et cette question fondamentale qu'elle pose : peut-on négocier la réforme d'un Etat puis le laisser ensuite entre les mains d'un homme et d'un parti qui ont inscrit la disparition dudit Etat en tête de leur programme ? Car c'est bien ce qui se passe depuis que l'indépendantiste Bart De Wever et sa Nouvelle Alliance flamande (NVA) ont triomphé haut la main en juin 2010. Veulent-ils, peuvent-ils négocier ? N'ont-ils pas plutôt intérêt à hâter le processus qui leur permettrait d'assouvir leur rêve ultime ? Aujourd'hui, les électeurs, qui ont assuré le triomphe de l'étrange M. De Wever, pensent, en tout cas, qu'il n'acceptera jamais aucun compromis et les trois quarts des Flamands rejettent la faute des blocages actuels sur les francophones. Eux dont les représentants ont pourtant majoritairement soutenu les récentes propositions de Johan Vande Lanotte mais qui ne parviennent pas à faire oublier qu'ils ont, avant cela, contribué au succès de la NVA en s'opposant à toute réforme institutionnelle...
Alors que le tic-tac résonnait un peu plus fort encore, M. De Wever, peu impressionné, participait, les 5 et 6 janvier, à un jeu télévisé. "L'homme le plus intelligent du monde", une émission très populaire de la chaîne publique flamande, a assuré sa notoriété avant le scrutin de 2010. Son apparition était-elle, cette fois, destinée à prouver son peu d'intérêt pour l'avenir du royaume ? "Un spectacle hallucinant", jugeait Paul De Grauwe, économiste à l'université flamande de Louvain et ancien sénateur. Se demandant pourquoi un accord politique n'avait pu être trouvé jusqu'ici, cet observateur relevait avec à propos : "Il n'y a qu'une réponse possible. La NVA ne veut pas de solution parce que le parti a un but, celui de faire éclater l'ensemble, d'obtenir l'indépendance la plus rapide possible de la Flandre". Tic-tac, tic-tac...

1 commentaire:

Chimo G. a dit…

Une chose est sûre ..., les spéculateurs veillent.