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dimanche 26 janvier 2014

Traduction, trahison, "linguicide"

Les derniers temps, quand on parle du langage, on met l’accent sur l’aspect communicatif en oubliant une autre fonction également importante, celle de la représentation de la réalité. C’est à travers du langage qu’on appréhende le monde qui nous entoure, une capacité spécifiquement humaine qui nous permet de rendre sens à un ensemble de sons. À ce sujet, il faut souligner que les anciens grecs utilisaient le même mot –logos- pour parler de la pensée et du langage. De plus, ce procès a été élaboré collectivement, à fin de permettre la communication. Les deux faces de la même monnaie.

Mais le langage, qualité humaine universelle, se matérialise à travers des langues fortement liées à des contextes sociaux et géographiques concrets qui les conditionnent. Ainsi, certaines tribus africaines n’ont pas le concept de « carré », parce que ni le contexte leur offre une réalité pareille, ni eux ont besoin d'un tel concept. Un autre exemple : tandis que nous n’utilisons que deux mots pour parler de l’état solide de l’eau –neige et glace-, les inuit, un peuple qui habite près du Pol Nord, n’utilisent onze. En effet, chaque langue offre une manière particulière et nuancée d’apercevoir le monde qui l’entoure. En conséquence, on ne peut voir la traduction que comme une trahison, peut-être nécessaire, mais trahison à la fin.

Enfin, si on accepte la prémisse précédente, on acceptera aussi que l’extinction d’une langue ne puisse être conçue que comme une perte irréparable pour l’humanité.  Néanmoins, c'est surprenant que personnes qui tueraient quiconque osant détruire une empreinte ancienne, un site archéologique par exemple, assistent impassibles à la disparition d’une langue, un patrimoine encore vif et rutilant. Et ceci se passe maintenant à notre pays, où trop de personnes, même des étudiants de langues, luttent contre, ou ne protègent pas suffisamment, les langues minoritaires ménacées d’extinction. Ceux-ci sont les « linguicides ».