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jeudi 10 novembre 2011

Berlin, start-up de l'Europe

Quand on demande à Ben Krauze pourquoi il a choisi d'installer sa start-up Internet à Berlin, il répond simplement : "Venez nous voir, vous comprendrez." Movie Pilot, qui gère un site d'actualité du cinéma doté d'un système de recommandations, occupe un loft de 600 m2 sur trois niveaux, lumineux, bien restauré, avec cuisine et espace détente : "Avant, c'était un studio de danse, explique Ben Krauze, nous avons gardé la peinture dorée sur les murs, ça porte bonheur. En moyenne, nous sommes une trentaine à travailler ici." Ce confort semble étonnant pour une jeune entreprise aux revenus limités, mais l'explication est simple : "Notre loyer est très inférieur à ce que nous serions obligés de payer à Munich ou à Francfort, sans parler de Londres ou de New York. En fait, si nous étions là-bas, nous serions entassés dans un local exigu - très néfaste pour la créativité et la qualité de vie."

Héritage de son histoire si particulière, Berlin est la seule métropole d'Europe occidentale à posséder des quantités de locaux sous-occupés en bon état. Pour l'économie dans son ensemble, ce n'est pas forcément bon signe. Ben Krauze rappelle que Berlin détient un autre record : "C'est la seule capitale de l'OCDE où le niveau de vie est inférieur à la moyenne nationale et le taux de chômage supérieur. Les salaires sont relativement bas ; pour un petit patron, c'est une aubaine."
Or, grâce à l'effort de l'ensemble du pays, Berlin, capitale fédérale, est une ville dotée d'infrastructures modernes, où il fait bon vivre. Elle possède un autre atout exceptionnel : sa réputation de métropole créative, artistique, ouverte aux idées nouvelles. Elle est connue de toute la jeunesse occidentale pour sa scène musicale et son mode de vie décontracté : "Berlin attire beaucoup de jeunes insouciants, un peu aventuriers, affirme Ben Krauze, capables de prendre le risque de travailler pour une start-up."
Grâce à cette situation unique, Berlin est en train de s'imposer comme un nouveau lieu de prédilection pour les créateurs d'entreprises Internet. Selon l'agence professionnelle media.net berlinbrandenburg, plusieurs centaines d'équipes de programmeurs et de designers sont en train de réinventer l'Internet - ou au moins d'imaginer l'application miracle qui leur permettra de devenir riches en un minimum de temps. Les projets sont très variés, des plus utilitaires aux plus frivoles, culturels, musicaux, caritatifs, ou relevant du pur marketing...
Roman Hänsler, 32 ans, fondateur du site de rencontres géolocalisées Aka-Aki et aujourd'hui consultant, confirme la montée de cette effervescence entrepreneuriale, tout en livrant une analyse nuancée : "La population prend conscience que cette nouvelle économie décentralisée est une chance pour la ville. Cela dit, beaucoup de jeunes deviennent entrepreneurs non par amour de la liberté, mais parce qu'ils n'ont pas d'autre choix. Ici, il y a peu de grandes entreprises classiques, donc peu d'emplois stables et bien payés pour les jeunes."
Dans ce petit monde encore très neuf, l'influence étrangère est importante. Les blogueurs les plus enthousiastes, qui décrivent Berlin comme la nouvelle Mecque de l'Internet européen, sont de jeunes expatriés américains. Travis Todd, un Californien de 29 ans, s'est installé ici pour une Berlinoise, mais il est aussi tombé amoureux de la ville. Il vient de créer le site Buddy Beers, qui permet aux internautes de payer une bière à un ami lointain - à condition que le patron du bar accepte d'être réglé par Internet à la fin du mois.
La trajectoire de Travis Todd a emprunté quelques détours : "Berlin n'est pas un grand centre financier, alors, pour trouver de l'argent, je suis retourné aux Etats-Unis." Pendant quatre mois, il parcourt la Californie à la recherche d'un investisseur, en vain : "La Silicon Valley est sursaturée, tout y est devenu trop dur, hyperconcurrentiel. Il n'y a plus de place pour expérimenter un concept tranquillement." Il rentre à Berlin et décide de se débrouiller sur place, en s'appuyant sur de petits sponsors locaux.
En parallèle, il se lance dans une autre aventure : "J'ai compris que ce qui manquait le plus à la communauté Internet berlinoise, c'était un média d'actualité en anglais, qui nous fasse connaître des investisseurs étrangers." Il décide decréer un site d'information locale, qu'il baptise Silicon Allee et trouve un peu d'argent pour commander des articles à des pigistes anglophones. Il organise aussi des réunions professionnelles dans un bar branché de la ville, qui rassemble à chaque fois des dizaines de jeunes passionnés. Pour gérer Silicon Allee, Travis Todd se fait aider par son ami Schuyler Deerman, 23 ans, originaire de l'Alabama, qui est en train de créer à Berlin une start-up baptisée Moped. Son concept reste secret en attendant le lancement. Schuyler Deerman a trouvé un investisseur à Boston et vient d'embaucher un jeune Anglais, en stage à Barcelone, qui avait très envie devivre à Berlin.
Malgré tout, l'engouement des Américains pour Berlin reste teinté de prudence, car chez les professionnels de l'Internet la ville a longtemps eu mauvaise réputation : les Berlinois sont avant tout des copycats, des imitateurs sans imagination et sans scrupules. Dès la fin des années 1990, des hommes d'affaires berlinois se sont mis à créer des clones parfaits de sites américains, malgré les risques de procès. Dans certains cas, l'original se voyait obligé de racheter l'imitation, seule façon defaire cesser cette concurrence déloyale.
Or, cette pratique n'a pas disparu. En 2010, une équipe berlinoise a lancé un site d'achats groupés baptisé Daily Deal, copié sur l'américain Groupon. Après diverses péripéties, Daily Deal vient d'être racheté par Google. Au printemps 2011, Airbnb, site américain de locations de vacances entre particuliers, a lancé une campagne pour dénoncer son clone berlinois baptisé Wimdu - ce qui ne semble pas entraverle développement dudit clone. Avec le recul, on peut remarquer que les copycatsont installé à Berlin des pôles de compétences, qui peuvent aujourd'hui servir de socle à des entreprises plus innovantes.
Berlin attire aussi ses voisins scandinaves. SoundCloud, site de partage de musiques originales, a été créé à Stockholm en 2008 par deux jeunes Suédois, qui ont très vite déménagé à Berlin. SoundCloud a ensuite suscité la naissance de nouveaux projets berlinois. L'un de ses anciens employés, Henrik Berggren, était rentré en Suède en 2010 pour créer ReadMill, un logiciel de lecture de livres électroniques permettant à ses utilisateurs de s'échanger des messages et des extraits d'ouvrages. Il trouve rapidement un investisseur à Londres, qui insiste pour que ReadMill vienne s'installer en Angleterre. Mais Henrik tient bon et retourne à Berlin. Il y retrouve ses anciens patrons de SoundCloud, qui décident alors de l'aider en investissant dans ReadMill.
Autre signe prometteur : Early Bird, société de capital-risque high-tech, installée de longue date à Hambourg et à Munich, a décidé de transférer son quartier général à Berlin.
Ici, même les geeks les plus fauchés ont une chance de lancer leur start-up, grâce au développement d'un nouveau mouvement, le "coworking". De jeunes entrepreneurs, à mi-chemin entre l'univers de l'Internet et celui de l'immobilier, ont transformé des lofts en bureaux open space équipés de meubles d'occasion et de connexions Internet. N'importe qui peut y louer un poste de travail sans formalités, pour 10 à 12 euros par jour, 150 à 200 euros par mois.
Berlin compte une quarantaine d'espaces de coworking, plus ou moins confortables. Pour aider les clients potentiels à s'y retrouver, deux amis, l'Allemand Carsten Foertsch et l'Australien Joel Dullroy, ont créé un moteur de recherche, baptisé Desk Wanted, qui recense les lieux de coworking dans le monde. Selon Joel Dullroy, ce nouveau mode de travail a toutes les vertus : "Beaucoup de free-lance, qui travaillent enfermés chez eux, souffrent de solitude et se coupent de leur milieu. Le coworking résout ces problèmes : le free-lance travaille dans une ambiance conviviale, il s'informe, fait des rencontres. Dans un second temps, l'espace de coworking peut devenir le lieu idéal pour imaginer un concept à plusieurs et monter une start-up sur place."
Carsten Foertsch et Joel Dullroy, très nomades, changent souvent d'espace de coworking. Ces temps-ci, ils sont installés au Wostel, un nouveau lieu créé dans le quartier de Neukölln par Chuente Noufena, une jeune Allemande d'origine camerounaise. Elle a une vingtaine de clients, qui lui permettent de couvrir ses frais.
La concurrence est rude, car certains espaces de coworking sont devenus des institutions. Le plus célèbre, Betahaus, s'est imposé comme un carrefour de la vie sociale pour la communauté Internet. Il propose 250 postes de travail, une grande salle pour les événements, une cafétéria... Selon Madeleine von Mohl, l'une de ses fondatrices, Betahaus compte aujourd'hui près de 200 membres, dont un tiers sont en train de lancer leur start-up : "Les équipes peuvent s'agrandir à leur guise, louerdes espaces modulables. En cas de problème, elles peuvent aussi rétrécir très facilement." Betahaus leur propose toute une gamme de services : consultations juridiques, ateliers de formation, rencontres avec les médias et des investisseurs...
En septembre, Betahaus a organisé un concours du meilleur projet de start-up. Le vainqueur, Thorsen Lüttger, qui vit à Cologne, a présenté MusicPlayr, un lecteur de musique doté d'un agrégateur et d'un réseau social. Sa récompense : six mois de loyer gratuit chez Betahaus. Sans hésiter, Thorsen Lüttger a quitté Cologne pourvenir vivre à Berlin.
Yves Eudes, pour "Le Monde" 10/11/2011

2 commentaires:

Chimo G. a dit…

BON SANG!
Combien d'anglicismes!!!!!!!!
Wikipedie:
La startup ou jeune pousse est une jeune entreprise à fort potentiel de croissance et qui fait la plupart du temps l'objet de levée de fonds.
Le mot startup (ou start-up) est un mot anglophone d'origine américaine, diminutif de startup company. Il est composé de start (commencer en français) et up, notion de hauteur, d'élévation. Il s'agit donc littéralement d'une « société qui démarre ». Une francisation a donné l'expression « jeune pousse ».

Chimo G. a dit…

http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/l-effet-pervers-de-l-exces-d-48497